Le sexe n'est qu'une brève rencontre entre deux amnésiques. On part de loin, de trop d'histoires pour n'être qu'au présent. On reconnaît vaguement les gestes mécaniques qui vous poussent à dessein vers les zones érogènes. On s'englue dans la chair des oublieux du monde pour ne plus voir en l'autre qu'une belle ascension. On s'essaie aux caresses en attendant le souffle qui suggère l'envie, devinant au passage le modelé d'un corps sous des frusques sommaires. Surgissent des émois, pour le goût d'une bouche ou le sel d'une peau, une odeur de tabac ou un musc marqué. Vient le souvenir d'un autre qui sentait l'origan d'avoir fait la cuisine et puis on reprend pied pour se retrouver nue face à cet inconnu qui ne l'est que de cul.
Timide et carnassier, on s'agite en tout sens, les mains cherchant l'or fin qui grisera l'organe. Les doux baisers se font pressants, avalant comme une proie la langue et la salive. La marque d'un pénis moulé contre le ventre, de toute sa bandaison aiguise les pulsions. On frotte, glisse et se penche jusqu'à lécher de prés tout ce qui pourrait en jouir, avalant au passage une pine aux abois. L'exigeant clitoris demandant sa ration, provoquant en passant les premiers gémissements.
Et puis les corps se nouent, se pénètrent et s'enlisent dans un bourbier de mouille et il faut du talent pour se voir épanouie derrière la maladresse, tant les corps sont fébriles de ce nouvel Everest.
Parfois comme un enfant voulant rentrer un carré dans un rond, forçant un orifice point encore immergé, il arrive que les amants déçus se baisent mal de trop d'impatiente. Alors on cherche l'angle, on voudrait que se croisent des mélodies aqueuses mais l'accord n'est pas là, pour un je-ne-sais-quoi. L'intime liberté où voisine la passion se fait par le hasard, dans l'alchimie goûteuse d'une absence à son être, dévoilant des orgies de muqueuses en folies.
Du médiocre au sublime, il se peut qu'il n'y ait rien, rien d'autre qu'une esquive à vouloir se donner dans toute sa nudité, des entrailles aux doigts de pieds.
Il nous est bien pratique de nous voir libertin mais quand vient le désir, le passé reste vain, faisant de nos souvenirs un vague flou gaussien. Chaque fois, comme un pianiste, on se remet en scène avec l'incertitude d'un maestro aveugle au clavier qu'il approche. Et feignant de ne pas être surpris, nous dépucelons toujours nos brûlants appétits. Demain un autre et bien d'autres encore effaceront le ressort qui nous a fait savant toute une nuit durant.
toujours la même mélodie sur tant d'instruments, espérant les symphonies, un jour, sur un seul...