Du libertinage sur site
Moi qui ai été élevée entre Leffe et Stella, qu'on versait en pression aux turfistes éreintés d'avoir perdu leur solde. Là où les cacahuètes épongeaient le plus soûl, brandissant un ticket qu'il assurait gagnant à qui voulait l'entendre. Je me sens comme intruse quand je vois défiler des magnums de champagne dans quelques hôtels de luxe où certains se rencontrent. Les grands bains bouillonnants de la taille de ma chambre, entourés de bougies où des femmes se déploient, m'encouragent à penser que je suis un ovni entre deux crus classés. Des talons à mille boules qui font les mollets fins des starlettes en goguette, aux lingeries raffinées redressant tous les culs pour en faire des joyaux, je ne puis me permettre d'en acquérir le tiers. Alors je déambule le postérieur à l'air et les seins bien trop fiers, une pomme et un soda comme argument de poids à mes soirées coquines. Dans le vieux PMU où père et mère s'agitent, il y avait bien Gilou, un ténor d'opéra bourré comme un tonneau, qui au creux de l'oreille me promettait merveilles si un jour j'embrassais sa bouche trop avinée. Je le baisais sur ses pommettes couperosées et j’eus pour seul cadeau un belcanto de choix aux couleurs de l'alcool sur un balcon de chaise. Faut-il avoir le sou pour enchanter ses nuits, déguisée en marquise de pompe l'amour, dans quelques lofts parisiens où foie gras et caviars décorent la table basse ? Existe-t-il une baise marxiste où l'ouvrier vaillant sortirait son marteau sur les fesses en faucille de la jolie lingère ? Et quid de l'étudiante affairée au MacDo à faire bouillir les frites pendant que le bourgeois s’encanaille au Plaza entre deux « Cheval blanc ». Le monde est ainsi fait qu'on baise souvent en caste et je me sens perdue et vaguement dévoyée quand des galants s'entichent de ma pomme de boursière, pour y verser leur champ’ qu’ils fauchèrent chez Fauchon. Je suis bien délicate à ces écarts de classe me diront les plus souples, mais je n'ai comme orgueil que d'être née d'en bas et rêve d'un monde humide où chips et ortolans s'embrasseraient goulûment aux cris des femmes en joie.
Dessin par Crumb
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Il y a du génie dans les brèves de comptoir et la carte bleue a remplacé la carte du tendre.
j'éprouve cette même gêne quand il faut "délicatement" démontrer qu'on vient de là-haut pour aller culbuter madame dans ses bas-fonds.
Prolo ou aristo, il faut vouloir écrire , vouloir faire dire des choses aux mots. Ce qui est sur c'est qu'on trouve de fils de rien dans la littérature, l'école aidant le 20eme siècle à permis à tout le monde d'écrire. Reste qu'il y a des écrivaillions à chaque coin de rue aujourd'hui, comme il y a des peintres du dimanche. Le monde est ce qu'il est et sans éditer on reste quelqu'un qui écrit, pas un écrivain.
Moi j'écris des chansonnettes et des diatribes à peine lus par 100 personnes, alors je vais pas faire la fière à me voir au pinacle dans un décor de carton pate.
Quant à la poésie des soulards, elles est aussi dans le…
Souvent on sent ici poindre l'alexandrin. Pas très prolo, mais vous êtes peut-être d'une autre aristocratie.